Acte III, scène III : hécatombe

L'écran vidéo éclairait la pièce de façon stroboscopique au gré des scènes de violences que commentait le présentateur de la chaîne "World News".

"Suite à ces violents affrontements, le président Maubatou des états membres d'Afrique a dénoncé hier dans la soirée le traité d'alliance qui, selon lui, n'a fait que repousser l'effondrement économique des pays sous développés. Le nouveau conseil des Nations Unies doit, à ce sujet, se réunir pour sta...".

Le journal télévisé des informations Terriennes se tut brusquement laissant un écran vierge parasité. Le seul téléspectateur de la chambre ne fit aucun mouvement pour régler le terminal et continua de dormir paisiblement dans ce nouveau silence.

Le hurlement strident de la sirène d'alarme réveilla aussitôt Gernsen qui bascula de sa couchette pour enfiler sa combinaison et prendre son arme. Il n'avait pas besoin de lumière, la veilleuse de la porte d'entrée de ses quartiers et le circuit vidéo lui suffisaient amplement. Alors qu'il finissait de boucler la gaine de l'impressionnant pistolet Gauss à sa cuisse, son bipeur se remit à sonner.

Le petit écran plat montrait cette fois-ci le visage d'Edmond dans son armure qui arborait son air des bons jours.

- Edmond à Kyle, on vient d'avoir un deuxième clash dans le secteur des navigants.

- je suis en route.

Effectivement, il se précipitait déjà vers la zone d'envol tandis que le personnel de la base, qui était de repos, s'habillait d'urgence conformément aux directives du code orange. Les émetteurs de contrôle d'accès des portes vérifiaient le badge de sécurité de Kyle et le laissèrent pénétrer dans de nouvelles sections sans qu'il ait à ralentir sa course. Le dernier sas s'ouvrit sur une scène de carnage déjà terminée. Deux hommes, dans l'uniforme orange des spationautes, gisaient à terre dans une marre de sang. On pouvait voir sur les murs des traces d'impacts de blaster où, par endroits, le feu continuait doucement à consumer le polymère du matériaux. Un commando de l'IM avait pris position dans le couloir et identifia immédiatement Kyle alors que celui-ci avançait maintenant lentement en essayant de découvrir des détails.

Les deux cadavres avaient été éventrés et leurs abdomens écartelés révélaient une cavité sanguinolente. Gernsen suivit les gouttes de sang qui le guidait sur les traces de l'assassin. La piste le mena respectivement aux dortoirs, au bloc sanitaire et à la salle de transmission où Edmond l'attendait. Partout ce fut une véritable boucherie de corps affreusement mutilés mais, en tant que vétéran des guerres interplanétaires, il avait vu bien pire.

- rien ?

- non Kyle. Le fils de pute qui a fait ça s'est une nouvelle fois vaporisé.

- qui a donné l'alerte?

- Allison. Elle était de garde dans le périmètre quand elle a entendu du bruit.

D'un geste, Edmond indiqua ce qui restait des communicateurs où se trouvaient mélangés des corps qui avaient eut autrefois un aspect humain. Sur le coté, le mur de préfabriqué avait été défoncé de l'intérieur et béait sur la nuit noire. A 200 mètres, on pouvait voir les Falcons alignés sur l'aire d'envol que des projecteurs éclairaient d'une lumière rendue spectrale par la bruine.

- personne n'a vu à quoi ressemblait l'agresseur ?

- non. On sait pas comment il a pu franchir la zone de sécurité ni comment il s'est introduit dans le secteur.

- par contre on sait comment il est sortit.

Gernsen s'était rapproché de la paroi détruite et fixait l'épaisseur du mur qui dégouttait de pluie. Il avait fallu une puissance formidable pour forcer ce passage. Au moins de l'équivalence d'un homme en armure de combat.

- Kyle, j'ai Anderson en ligne qui veut un rapport. J’te le passe sur ton canal.

Gernsen sortit son intercom d'un geste résigné, il ne manquait plus que ce guignol.

- Gernsen ? quelle est la situation lieutenant ?

- tout le personnel navigant est décédé et le central de transmission est HS.

- mais encore ? J’ai déjà un rapport préliminaire sur les pertes.

- aucune trace de l'agresseur, je vais renforcer la surveillance.

- c'est un peu tard, vous auriez dû vous y prendre beaucoup plus tôt.

- si on s'était placé en code orange, les choses auraient pu se passer autrement. Je suggère d'entrer dès maintenant en priorité rouge.

- on en discutera dans une heure dans mon bureau, répliqua Anderson en coupant la communication.

- l'enculé. Que fait-on Kyle ?

- que la deuxième équipe prenne son quart. Je veux que tout le camp soit entouré de détecteurs de proximité.

- il semble que les situations se répètent.

Gernsen et Edmond se retournèrent vers la porte pour fixer le nouveau venu qui venait de parler. Devant le mutisme des deux hommes, Kroutchenkov reprit la parole.

- pourrait-on discuter lieutenant ?

- Edmond va rassembler les gars, je vais leur donner de nouvelles consignes.

Ils attendirent que le sergent sortent et ils restèrent seuls, avec les trois cadavres des anciens techniciens, dans la pièce glaciale et humide.

- j’ai l’impression que ni les armes énergétique ni les détecteurs de présence soient efficaces contre notre agresseurs invisible.

- je suis ouvert à toutes propositions capitaine, du moment que ça éclate quand s'est percuté par un projectile lancé à 5000 m/s.

L'agent du BRINT sourit intérieurement en voyant l'imposant pistolet Gauss à la hanche de Gernsen.

- à ce propos j'ai vérifier les enregistrements et à aucun moment vous n'avez fait mention d'un journal. De plus, je ne l’ai trouvé nul part parmi les pièces à conviction.

- erreur.

- mais de qui ? de votre part ou des services de l’IPA ?

- à vous de me le dire, vous êtes suffisamment qualifié.

- justement camarade, tout semble indiquer que ce journal n’a jamais existé.

Leur discussion fut soudainement interrompue par le bruit d'atterrissage d'un Falcon. Les rétro-réacteurs gémissaient sous la poussée qu'ils exerçaient et les flaques d'eau de la zone d'envol furent balayées par le souffle brûlant des tuyères. Gernsen sut aussitôt qu’il tenait la solution.

- venez avec moi Kroutchenkov, on va en avoir le cœur net.


Les deux hommes pénétrèrent dans le poste de pilotage alors qu'Elmas Breen finissait son check-up.

- que s'est-il passé ? demanda ce dernier.

Le pilote fixaient Gernsen et Kroutchenkov, qui dégouttaient d’une pluie faite de neige fondue, d'un air à la fois soucieux et perplexe.

- vous allez devoir changer de quartiers, dit Gernsen, car le secteur des navigants est subitement devenue insalubre. Que faisiez-vous en vol ?

- vous ne vous rappelez pas que vous avez demandé d’explorer les côtes maritimes à la recherche des membres disparus de l'expédition Spalding ?

- affirmatif. Votre excellente mémoire va nous servir lieutenant Breen. Vous souvenez-vous de la progression au sol de ma section lors du saut ?

- à vrai dire, je n'ai pas suivis tout le déroulement de l’opération puisqu'il était enregistré.

- et supposons que l'enregistrement soit défectueux.

Breen pianota sur sa console et un petit lecteur optique glissa de son logement. Le pilote prit délicatement le disque de 5 cm de diamètre entre le pouce et l'index pour le montrer à son auditoire.

- comme les communicateurs de mon Falcon servaient de relais, j'avais copié toute votre progression là dessus au cas où.

Kroutchenkov intervint alors dans la discussion.

- et quel transporteur assurait le service radio lieutenant ?

- la navette du colonel Anderson, je crois.

L'agent du BRINT leva le regard vers Gernsen où il pouvait voir sur son visage le genre d’expression qu’abhorre un félin qui a trouvé une proie et qui s’apprête à lui sauter dessus.

- passez-nous l’enregistrement, enchaîna Kyle, je veux montrer à Kroutchenkov que je ne pars pas en mission complètement scotché.

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