ACTE III, scène II : mystères

Anderson venait de verrouiller le sas du cockpit de son Falcon et s'affairait maintenant à démonter le panneau de contrôle des transmissions avec des mains expertes. En deux mouvements il retira une carte électronique et y inséra à la place un petit boîtier noir anodin. Puis, se retournant face aux commandes et tapa sur la console le code d'accès à un serveur du Satnet. Il ne dut pas attendre bien longtemps la réponse : le visage d'un homme apparu sur le terminal. Celui-ci portait une coupe de cheveux blancs en brosse qui surmontait un front large; des lunettes de soleil cachaient ses yeux; ses joues, légèrement creuses, encadraient une mâchoire carrée et volontaire.

- j'attendais justement de vos nouvelles Anderson.

La voix de l'inconnu était douce et posée mais il dégageait de lui une aura glaciale, comme si l'on astiquait le canon d'un .45 magnum avec du velours.

- je vous prie de m'excuser monsieur mais il fallait que je trouve un endroit où je ne pouvais être dérangé.

- vous avez bien fait, j'en suis heureux, continuez.

- cela ne va pas être facile, le Gardien a déjà agressé des hommes de la troupe.

- qu'attendiez-vous d'un chien de garde ? Qu'il batte de la queue en attendant que vous lui donniez un os ?

- il y a maintenant trop de monde sur le site, je dois d’abord écarter l’IM. Et jusqu’à présent j’ai été trop occupé à effacer certains indices compromettant.

- débrouillez-vous. Si les pierres sont en place il vous suffira de formuler l'incantation pour le confiner au sanctuaire.

- à condition que j'en ai le temps.

- n'ayez crainte. Vous avez sur vous le signe des Anciens, la créature ne portera pas atteinte à votre intégrité physique.

- sauf votre respect, j'ai toujours pensé que tenter de corrompre Spalding, surtout par rapport à ses instincts primaires, était une erreur. Il aurait fallu tenter une action plus directe.

- la dénommée Ross n'a pas eut suffisamment de temps sinon la démarche aurait eut 87,7% de chance de réussite. Vous n'ignorez pas que le BRINT a des agents qui entravent nos mouvements.

- oui, je l’admet, je vais tenter une nouvelle approche avec l’aide d’un complice.

- n'oubliez pas qu'il ne faut utiliser la Science Interdite que ponctuellement si vous ne voulez pas être repéré.

- et, comment dire, si je n'ai pas la possibilité de lancer l'incantation ?

- alors vous savez ce qu'il reste à faire puisque vous êtes partisan d'une action directe.

L'écran devint subitement noir, l'inconnu en avait terminé. Anderson fixait le terminal sans le voir, perdu dans ses pensés. Il essayait d'appréhender la portée de cette dernière phrase et cela lui faisait froid dans le dos malgré la climatisation de la navette.


La salle d'autopsie était froide et sentait le désinfectant chloré. Un corps nu était étendu sur une table de Plexiglas pendant que six autres attendaient dans les caissons frigorifiques. Le docteur Mc Callahan, aidée de son assistante, procédait à l'examen. Gernsen se tenait dans un coin de la pièce, le dos appuyé contre un extincteur, les bras croisés. Son attention était fixé sur les paroles du chirurgien et ses yeux suivaient méthodiquement l'exposé des explications. Il n'avait pas besoin d'être aussi près du cadavre que Callahan pour détailler les horribles mutilations.

A l'opposé d'où se tenait Gernsen, Schumann et un autre homme écoutaient également attentivement le rapport oral du médecin légiste.

- la paroi abdominale a été éventrée par un objet contondant mesurant environ 11 cm de diamètre. On peut remarquer que la peau tout autour de la blessure est curieusement flétrie. A première vue, ce flétrissement ne semble pas dû à une brûlure. Voir rapport du prélevé de l'échantillon pour analyse ultérieure. La victime a subit ensuite une éviscération à vif depuis l'estomac jusqu'au gros intestin. La mort a du survenir entre 2 et 5 secondes par hémorragie et choc traumatique.

Callahan retira ses gants en plastique, dans un claquement, puis coupa l'enregistrement.

- c'est bon Hashi, on peut le remettre au frigo. Quel est le prochain sur la liste ?

Gernsen en avait assez entendu et il n'avait pas de questions. Du moins pas de questions auxquelles Mc Callahan pourraient répondre. Il sortit discrètement mais il n’eut le temps de parcourir qu'une dizaine de mètres quand on l'interpellât.

- lieutenant Gernsen !

Il s'arrêta et se retourna en se doutant de l'identité de celui qui voulait lui parler.

C'était bien la personne qui accompagnait Schumann. D'après son uniforme gris, il n'appartenait pas à l’IPA.

- capitaine Andreï Kroutchenkov, Bureau de l'Intelligence, pourrait-on discuter 5 minutes?

Kyle fit juste un signe de tête en restant sur ses gardes. Il avait déjà eut affaire au BRINT et il savait qu'il attirait les ennuies aussi sûrement que la merde attire les mouches.

- le gars sur la table était un de vos hommes n’est-ce pas ?

C'était plus une affirmation plus qu'une question.

- Paulo Fantini.

- qu'en pensez-vous Gernsen ? Il n'est pas évident de perforer une armure de combat. Vous avez une idée de l'arme utilisée ? Surtout que la blessure est très inhabituelle.

- négatif.

- écoutez lieutenant, on est ici pour découvrir ce qui est arrivé à l'expédition Spalding. Et on est sans doute en train de revivre leur mésaventure. Il vaudrait mieux jouer franc-jeu et coopérer.

- alors lâchez le morceau.

Pendant une seconde les deux hommes se fixèrent du regard, finalement Kroutchenkov parla le premier.

- da. Quand les colons ont découvert des traces d'une culture X, une mission fut aussitôt mise sur pieds par le service de l’Exploration Spatiale. Elle était dirigée par John Spalding qui était un spécialiste en matière de Xéno culture. Lors de l’examen des dossiers des membres de l'équipe on a été intrigué par les "trous" dans la carrière d’Hanna Ross, l'assistante de Spalding. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’il y a déjà eu des problèmes sur des sites d’origine Extra Terrestre alors le Bureau a décidé d’infiltrer un agent dans le groupe.

- avec ce qu'il en reste, il risque de se montrer peu bavard.

Kroutchenkov laissa passer cette remarque sarcastique, il avait trop besoin d'aide.

- c'est pourquoi il faudrait que vous me donniez un coup de main tovarich, depuis le début cette affaire sent mauvais. J’ai visionné la reco de votre équipe, vous ne trouvez pas étrange que Ross se soit suicidée ? Et à quoi rime ce pentacle sur le sas de la cabine où vous avez découvert son cadavre ?

- l'investigation est le boulot de l’IPA.

- elle n'a rien trouvé jusque là. Nous n’avons que des corps bizarrement mutilés et il me paraît peu probable d’avoir à faire à un tueur en série psychopathe qui collectionne les viscères de ses victimes.

- les banques mémorielles des droïdes ?

- niet, ça ne mène nul part et la quasi totalité des données ont été endommagées par la marée.

- le journal de Spalding ?

- quel journal ?

- celui qui se trouvait dans le caisson.

- je n’étais pas au courant qu'il y avait un journal, il n’apparaît pas dans les pièces à convictions.

- regardez de nouveau les enregistrements de la mission de reconnaissance.

Kroutchenkov avait déjà visualiser maintes fois ces enregistrements mais il n’y avait aucune référence faite au sujet de ce journal. Si Gernsen avait raison, les implications qui en découlaient étaient édifiantes. Tel un chien de chasse, l’agent du BRINT sentait qu'il détenait un élément capital qu’il devait creuser.

- je vais vérifier de ce pas. Merci de votre coopération lieutenant, j'aurais très certainement besoin de faire encore appel à vos services. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que vous travailleriez pour le BRINT...

Gernsen regarda Kroutchenkov s'éloigner dans le couloir vers la section de l’IPA. D'après ce qu'il venait de lui révéler, il avait dû consulter son dossier militaire. Ainsi, il était au courant de son rôle dans les brigades anti-psy. Peu de personnes pouvait avoir accès à ces informations, ce qui prouvait que Kroutchenkov avait un niveau d’accréditation très élevé. A l’époque le nom de code de son unité était papillon. Quelle douce appellation pour désigner des tueurs.

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