FLASH-BACK : autre temps, autre lieu

Désert du Nevada: 2149, camp d'entraînement B3.

- magne-toi Gernsen, tu n'as plus que 35 secondes!

La voix autoritaire sortait du micro qu'il portait à l'oreille. Il n'était pas facile d'y voir clair dans ce puits malgré la lampe frontal à halogène.

Kyle venait de finir de fixer les explosifs aux endroits adéquats sur le sas et il réglait les détonateurs. Ses compétences en chimie à l'université lui avaient valu d'être promu spécialiste en explosif. Promotion dont il se serait bien passé car il se retrouvait maintenant dans ce foutu stage commando à jouer avec des pétards qui vous arrachaient la tête aussi facilement qu'une tornade vous décoiffe.

"Ne pas se précipiter et ne pas s'affoler, savoir se couper de l'environnement extérieur et manier les explosifs avec un détachement tel qu'on pourrait croire que vous servez le thé à votre petite amie." C'était ce que l'officier instructeur leur avait enseigné. Kyle aurait bien aimé le voir à sa place dans ce trou de 2 mètres de diamètre et profond de 50.

- terminé. Top 30 secondes.

Le compte à rebours était commencé et le treuil tira sur le filin pour le remonter à la surface. Il avait à peine fait 6 mètres qu'il se bloqua net.

- Gernsen à base leader, que se passe-t-il là haut?

Des jurons étouffés, des discours rapides à mi-voix puis la voix du lieutenant.

- soldat Gernsen, le câble a dû se coincer dans la tuyauterie du puits. Votre seule chance est de redescendre en vous aidant avec les bras et de désamorcer les bombes. Vous m'avez compris? Inutile de remonter, le souffle de l'explosion vous rattraperait bien avant la sortie.

- entendu lieutenant.

Il avait prononcé ces paroles dans un état second. Kyle se ressaisit aussitôt et se démena comme un fou pour arriver au bas du puits. Il ne voulait pas y rester comme les autres, pas après tout ce qu'il avait enduré.

Les trois charges étaient là. Machinalement il regarda son chronomètre. Sans doute ce geste avait-il causé sa perte se dira-t-il par la suite. Plus que 8 secondes! Avait-il été vraiment aussi lent que cela? Peu importe maintenant, il y avait longtemps qu'il avait dépassé le point de non retour. Il désamorça le première charge en pressant le contacteur, puis la seconde dans la foulée et il tendit la main gauche vers la dernière.

Ses souvenirs devenaient vagues à partir de cet instant. Il ne se rappelait que de sons, de lumières, de voix lointaines qui lui parlaient.

La sensation de flotter et d'être tirer vers le haut. Le filin avait dû se décoincer avec l'onde de choc.

- posez-le doucement.

- il est encore en vie.

Le temps ne semblait plus s'écouler de la même façon.

- faites un garrot autour de son moignon.

- pouls?

- 35, en baisse.

Chris?

- injectez-lui 100 ml d'atropine.

- l'hélico arrivera dans moins d'une minute.

Chaos d'images confuses et de sons.

- Kyle tu m'entends? c'est Chris. Tiens bon, c'est pas très grave.

Chris.

Ce n'était pas très grave en effet : un bras en moins, de nombreuses côtes cassées, un poumon perforé, la partie gauche du visage déchiquetée et un trauma crânien. Les toubibs travaillèrent 29 heures en salle d'opération pour lui redonner forme humaine. Il faut dire qu'au camp B3 ils avaient l'habitude de voir passer des masses de chairs sanguinolentes sur le billard, même si les patients étaient peu nombreux pour s'en vanter par la suite.

Au bout du compte ils lui avaient greffé un très beau bras bionique, ainsi qu'un oeil et une oreille, et la chirurgie plastique lui avait redonné son visage d'avant "l'accident". En même temps, il s'était vu contracté d'une dette de 30000 crédits envers l'armée pour tout ce beau matériel. A moins bien sûr qu'il veuille qu'on lui en débarrasse. Voilà comment on rempile de 5 années supplémentaires.

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