L'appel du néant : la genèse

Lorsque Didier m’a demandé de présenter la genèse de " l’Appel du Néant ", il faut dire que j’ai été plutôt ennuyé. Quand et comment un auteur crée-t-il une œuvre ? Question qui débouche sur une réponse des plus banale mais, pour ma part, le point de départ (excepté le fait que de tout temps j’ai toujours aimé le fantastique et la SF) a été ma découverte du jeu de Rôle en 1981.

A cette époque il existait relativement peu de systèmes de jeu (et tous en anglais of course) et j’ai effectué mes premières armes avec AD&D, puis le fabuleux C&S, et enfin l’extraordinaire Space Opera (offert par un ami pour mes 18 ans) qui reste toujours pour moi LE jeu de SF loin devant tout ce que le marché a proposé jusqu’à aujourd’hui. Ce n’est donc pas un hasard si j’ai repris de nombreuses références décrites dans l’univers de Space Op. Je ne pense pas que les aficionados me le reprochent.

Pendant trois ans j’ai joué au club " La Pleine Lune " de Gap en incarnant un preux Paladin nommé Glaivendil tout en écrivant des scénarios de SF et de médiéval fantastique. Puis je suis parti sur Paris où j’ai fait la connaissance de deux personnages haut en couleurs : Hubert Tournier, rédacteur en chef du fanzine MéluZine, et Efgé qui m’ont donné l’occasion d’écrire et de publier les scénarios issus de mon imagination. Paradoxalement, pendant cette période je n’ai jamais proposé dans MéluZine, mis à part quelques articles, mes scénarios concernant Space Opera alors que je continuais de développer et de peaufiner l’univers et les aventures de Kyle Gernsen et qui devaient finalement donner ce que j’ai appelé le cycle de Néant. Parallèlement, les études que je poursuivais à l'époque m’ont imposées (dans le sens qu'une idée s’impose à un créateur et rarement l’inverse) et m’ont permis d’intégrer différents concepts métaphysiques que l’on retrouve tout au long du cycle.

Les romans littéraires m’ont toujours beaucoup plus apporté que les films ou la BD aussi n’est il pas étonnant que mes sources d’inspirations soient surtout romanesques. Je ne renie pas pour autant les films ou série TV comme " Star Wars ", " Alien saga " ou " Cosmos 1999 " mais la liste ci-dessous reste néanmoins significatives quant à mes racines. Voilà donc, livrés en vrac, ceux qui m’ont permis de développer le " cycle du Néant " à partir de la lecture de leurs œuvres et je les en remercie.

Arthur C. Clarke et ceux que j’appelle " la bande des trois " : David Brin, Gregory Benton et Tim Powers pour la mouvance " Hard Science " de la SF qu’ils ont plus ou moins volontairement promulgué et à laquelle je me proclame d'appartenir.
HP Lovecraft, August Derleth et Brian Lumley pour le mythe de Chtulhu que j’ai " dévoyé " diront les uns ou " mis à la sauce du Space Horror " diront les autres mais qui, de toute façon, m’a fortement imprégné.
Doc Smith et Dan Simmons pour l’utilisation des talents psioniques qui sont révélés au cours de l’histoire (pour ce qui est de Simmons, je conseillerais de lire " L’échiquier du Mal ")
Anne Rice pour son thème récurrent de l’Immortalité concernant les héros de ses romans et dont les réflexions sous-jacentes ont modelé les profils psychologiques des TransHumains.
Joe Haldeman et Robert Heinlein pour l’Infanterie Mobile et l’esprit militariste qui a guidé la rédaction de la première partie de " l’Appel du Néant "
Stephen Donaldson pour son extraordinaire " cycle des seuils "
Jack Vance pour ses contes et ses univers ainsi que pour une raison toute personnelle que les vrais fans de Vance auront sans doute devinée.

Peut-être vous demandez-vous, après avoir parcouru la liste de tous ces auteurs, ce qu’il en est alors de l’originalité de ma création personnelle. Question légitime que je me suis moi-même posée je l’avoue. Un auteur est forcément influencé par les images ou les idées du monde extérieur qui laisse une empreinte sur son esprit. Le cycle de " l’appel du Néant " raconte avant tout une histoire d’Homme, car je ne pense pas qu’il y ait d’épopée ou de grande aventure sans Grand Personnage (dans le sens marquant). Jusqu’à présent les faits historiques me donnent raison.

Quant à savoir maintenant comment l’idée de l’Appel a put émerger, je vous renverrais à ce que dit Brian Aldiss lorsqu’il parle d’une rencontre entre éléments exotiques et familiers. Les touches d’exotisme m’ont été plus ou moins inspirées par les auteurs ci-dessus. La touche familière repose sur le personnage de Gernsen, de ses préjugés, de sa vision et du jugement qu’il porte sur un univers et un environnement qui l’a façonné.

D. LAPORTE

Gap, le 7/03/1999