Acte III, scène IV : état d'urgence

Les trois hommes se trouvaient dans le caisson de transport et regardaient la progression au sol de la section de reco sur le canal vidéo. Gernsen revivait la scène enregistrée 23 heures plus tôt à travers la caméra qui avait été couplée à son écran de visée.

"...

- le mec a eut juste le temps de finir son testament on dirait. La fin est presque illisible.

- souhaitons bonne lecture aux types de l’IPA.

- Amadéus à Wolfgang, aucune trace d'activité sur le site des fouilles. Nous continuons le déploiement autour du camp jusqu'à la limite de la zone de sécurité.

..."

Kroutchenkov stoppa la lecture et se gratta la nuque avec une moue dubitative.

- alors capitaine ? demanda Breen visiblement intrigué par ce qu'il se passait.

- il semblerait que les archives aient été délibérément altérées afin d'effacer ce passage.

Si le visage de Gernsen resta impassible, celui de l'astronaute dépeignit l'incrédulité. L'agent du BRINT se mit à tourner lentement en ronds tout en réfléchissant.

- pour quel motif ? et qui aurait eu intérêt ?

- ces deux questions se recoupent lieutenant Breen. Je dirais que ce carnet devait relater les faits qui ont mené à la disparition de l'équipe archéologique.

Gernsen regarda sa montre et se dirigea vers le sas.

- je dois y aller, j'ai rendez-vous avec Anderson.

Il s'arrêta devant la commande d'ouverture et se retourna vers ses compagnons avant d'ajouter:

- depuis le début j'ai le pressentiment qu'on nous met des bâtons dans les roues et toute cette affaire a pris une très mauvaise tournure. Retrouvez ce carnet Kroutchenkov, le plus tôt sera le mieux sinon il y aura de la casse.

Comme pour souligner ces paroles, la sirène d'alarme et le bruit de tirs automatiques les assaillirent lorsque les portes du Falcon coulissèrent. La nuit était balayée par les éclairs des blasters et Kyle pouvait voir des formes humaines courir vers le secteur de la Défense Planétaire.


Le trio avançaient prudemment à travers les décombres de ce qui avait été les quartiers des PDF. Des corps mutilés et démembrés gisaient dans des positions grotesques parmi les murs brisés des préfabriqués. Ils trouvèrent le lieutenant Block, affalé contre son bureau, tout le bas de son visage avait été arrachée et dévoilait le trou sanguinolent de son larynx. De nombreux impacts montraient la violence des combats et, par endroits, certains fumaient encore. Le silence recouvrait tout, même la sirène s'était tut et Gernsen s'interrogea sur la futilité de son arme de poing face à la puissance d'une telle force de destruction. Mais c'en était trop, il fallait qu'il sache. Un peu plus loin ils découvrirent les corps de trois de ses hommes en armure de combat qui portaient les même traces de blessure que le soldat Fantini.

Alors qu'il se penchait vers les cadavres pour consulter sans trop d'illusion l'ordinateur médical des scaphandres, une masse sombre surgit de derrière un mur. Gernsen se retourna aussitôt en pointant son Gauss sur la forme qui venait d'apparaître mais ce n'était qu'un fantassin de l'IM.

- du calme Kyle, c'est Clément.

Gernsen se redressa en baissant son arme. Kroutchenkov en fit de même.

- où en est la situation ?

- l'attaque est terminée, on ratisse le secteur.

- une identification de l'agresseur ?

- nib, la section d'Edmond commence à rechercher les survivants.

- ok. A partir de dorénavant, je veux que tous les gars de l'unité passent en code rouge. Transmets.

Puis il se retourna vers Breen.

- les Falcons sont-ils prêts au décollage pour une évacuation d'urgence ?

- oui mais à part moi et le colonel, il n'y a plus aucun pilote.

- j'y vais de ce pas lui en toucher deux mots.

- Kyle, j'ai Edmond sur mon canal qui me dit avoir trouvé un blessé qui tient absolument à te parler.


Le blessé n'était autre que Schumann. Un soldat de l'IM était en train de dégager tout doucement les plaques de construction qui s'étaient abattues sur son corps pendant que Mc Callahan faisait un garrot autour du moignon où aurait dû se trouver son bras. Gernsen se pencha presqu'à plat ventre pour approcher son visage de celui du responsable de l’IPA.

- Schumann ? c'est moi Gernsen. Vous vouliez me voir.

- dépêchez-vous lieutenant, je vais lui injecter des antalgiques qui vont l'envoyer au pays des rêves, répliqua le médecin.

Lentement, Schumann ouvrit les yeux. Du sang maculait toute sa tête et des bulles se formaient autour de son nez.

- le diable Gernsen... un démon venu de l'enfer.

La voix du blessé était faible et Kyle avait du mal à entendre.

- qui ? l'agresseur ?

- rien ne pouvait le stopper... les armes étaient inefficaces... je l'ai vu.

A ces souvenirs, Schumann commençait à flancher.

- accrochez-vous, c'est bientôt terminé.

- non, c'est faux... dites à Anderson qu'il s'était trompé... le carnet que j’ai dérobé disait vrai... Ross son assistante...

- quoi le carnet ? continuez !

- seule l'étoile sur la pierre... la créature en a peur... elle n'est pas vraiment matérielle... j'ai mal Gernsen.

- tenez bon Schumann ! quoi pas matérielle ? holographique ?

- non... elle existe... à moitié ici... à moitié dans un autre... espace temps... relativiste...

- écartez-vous lieutenant ! faites-moi de la place il est en train de partir.

Mc Callahan poussa Gernsen sur le coté et s'affaira sur sa trousse pendant que son assistante vint lui prêter main forte. Kroutchenkov avait suivi toute la scène et il s'approcha de Gernsen.

- que vous a-t-il dit ?

- pas grand chose. Il divaguait sur la fin mais Anderson et lui étaient au courant pour le carnet de Spalding.

- da, je m'en doutais un peu, du moins pour le colonel.

- Kroutchenkov, on est dans la merde. Si Anderson est mouillé vous en imaginez aisément les implications. Allez jeter un œil dans les quartiers de Schumann , vous y trouverez sûrement ce fameux journal.

A ce moment Mc Callahan se releva et fit signe à l'homme en armure de combat qui déblayait autour de Schumann. Celui-ci repoussa alors le panneau de préfabriqué sans ménagement, souleva le corps disloqué du policier par la veste de sa tunique et le déposa contre un mur où étaient disposés d'autres cadavres.

- désolé Gernsen mais il avait perdu trop de sang.

- je lui avait dit de toute façon que c’était bientôt terminé.


L'impression de calme dans le bureau du colonel Anderson démentait la gravité de la situation et l'état de panique qui montait dans les rangs des soldats.

- passer en code rouge ? alors que vous n'avez pas identifier la force ennemi ? vous plaisantez Gernsen.

- nous avons perdu nos navigants, la section de l’IPA avec Schumann et la moitié de l'unité des PDF. De plus cette dernière est désorganisée depuis la mort de Block. Que vous faut-il de plus ?

Gernsen devait serrer les dents pour contenir sa colère, il avait horreur qu'on le prenne pour un con.

- connaître l'origine exacte de ces attaques.

- personne n’est suffisamment en un seul morceau pour témoigner. Je pense à un commando d'Infanterie Mobile équipée d'une nouvelle technologie furtive avec écrans déflecteurs.

- ridicule, seule la Star Force dispose d'un tel matériel.

- affirmatif, c'est pour cela que je demande l'évacuation conformément à la directive du code rouge.

Le mot avait été prononcé. Anderson toisait l'homme debout devant lui en croisant ses doigts et en le jugeant du poids de son regard.

- nos moyens actuels ne nous le permettent pas.

- demandez des renforts et du matériel, même si l'antenne est détruite, avec un saut en navette il est possible de joindre le Blockade Runner en quelques minutes.

- il y a d'autres priorités. Un rapport me signale que des hommes de la Défense Planétaire ont déserté en volant des motojets. Comme ils n'ont pas pu aller bien loin sur cette île, je vous charge de les retrouver.

Gernsen eut une seconde d'incrédulité, sur le coup il n'en cru pas ses oreilles.

- vos armures disposent du rayon d'action, continua Anderson, et des moyens de détections nécessaires pour ramener ces déserteurs. Je pensais que vous aviez compris un raisonnement aussi simple.

- vous n'avez pas compris mon rapport colonel Anderson ?

La voix de Gernsen se fit sourde et insidieuse, remplit en elle même d'une menace.

- parfaitement et je vous ai donné des ordres.

- vous savez où sont les chiottes.

- pardon ? j’ai du mal à vous suivre lieutenant.

- vous pouvez aller vous branler colonel.

Si Anderson fut surpris ou choqué, il ne le montra pas. Il se contenta d'appuyer sur son intercom et deux gardes entrèrent dans la pièce.

- soldats ! arrêtez cet homme pour insubordination. Je veux qu'on le mette au trou et qu'il ne parle à personne. Exécution !

Le dernier mot fut hurler et les gardes sortirent alors leurs blasters.

- donnez-nous votre arme et suivez-nous lieutenant.

Gernsen soupesa ses chances. Il aurait pu se débarrasser facilement de ces deux guignols avant de faire la fête à son supérieur mais il préféra ne rien tenter pour l'instant. En défaisant son ceinturon il regarda le colonel droit dans les yeux.

- c'était votre dernière erreur Anderson.

Il jetait un regard noir chargé de haine et sa voix avait la froideur d'une lame de couteau. Malgré lui, Anderson sentit une boule d'angoisse remonter au creux de son ventre quand la porte se referma. Il ferma les yeux un instant en expirant profondément. Le lieutenant Kyle Gernsen devait être le prochain sur la liste, après tout serait presque terminé.

suite

retour au sommaire

.