Directeur d'opéra spatial

copyright Ó 1988 Jacques Dalstein

  Avis à ceux qui connaissent Jacques : pourriez-vous lui demander de me contacter - merci !

Universo adaggio

Ca-y-est ! Vous avez lu les règles de votre jeu de SF ! Les partes de l'univers tout entier sont prêtes à s'ouvrir devant vous! Oui, mais.., par où commencer ?

Bien sûr, vous pouvez décider d'entreprendre une cartographie complète et détaillée de tous les systèmes stellaires de votre galaxie de départ (avant de vous attaquer aux autres ensuite). Le problème, c'est qu'un univers... c'est grand!!! Alors, si vous n'êtes pas condamné à la prison à vis, ou si vous avez envie de commencer rapidement votre première parue, refrénez un peu votre ambition. II n'y a rien de déshonorant à commencer une campagne sur un monde unique, surtout s’il est original.

Pensez à écrire les descriptions des planètes issues de votre imagination sur de petites fiches que vous rangerez par ordre alphabétique, au cas où vos joueurs auraient l'idée saugrenue de revenir plus tard. N'oubliez pas non plus de reporter minutieusement sur une carte à grande échelle, les mondes que vous avez détaillés. Grosso modo, imaginez que vous construisez un édifice. Votre première planète est comme la première pierre d'une maison. Les briques que vous rajouterez par la suite agrandiront votre œuvre, mais la première sera toujours indispensable à la stabilité de votre création.

Hypertechnologico moderato

Le Gros Bill de l'espace ne se distingue de son homologue terrestre que par sa tenue. Vêtu d'un scaphandre spatial blindé renforcé par un exosquelette en titanium, il est bardé de phaseurs-désintégrateurs à bivalve inversée, de cuicuiteurs infrasoniques et de téléporteurs portatifs montés en porte-clefs. Avec ses pataugas â réaction, il écrase sans scrupules ses " féroces " adversaires qui, s'ils veulent survivre, n'ont qu'à baisser la tâte et espérer qu'il aille ravager une autre galaxie.

Eh oui, pour certains maires de jeu, la 5F se réduit à un attirail hyper-technologique capable de tout.., et surtout du pire! Comment en vouloir alors à certains joueurs " moyens " de profiter au maximum des ressources extraordinaires que la science et l'ïnconséquence du MJ mettent à leur disposition ? Malheureusement, lorsqu'on peut tout faire, on finit généralement par s'ennuyer. Le problème date des origines mêmes du space opera. Quand E.E.Doc Smith, inspiré par Burroughs et quelques précurseurs moins talentueux, imagina sa série des " Fulgurs x, i1 avait surtout envie de s'amuser. Alors il donna naissance à un héros débile, qui fonçait comme un débile au travers de !a galaxie, à bord d'un vaisseau super-extra-génïalement-débile, pour affronter des adversaires un peu débiles... il faut bien l'avouer. Par la suite, il y a eu Goldorak, X-Or et la Fusée Xl.-5. C'est bien joli tout ça, maïs aujourd'hui cela ne peut plus guère satisfaire que des enfants en bas âge et des présentatrices télévisées au long nez. Alors, halte à la débilité ! Evidemment, l'un des grands plaisirs des jeux de SF provient de la technologie futuriste dont disposent les personnages. Mais si vous, en tant que maître de jeu, vous cédez à la facilité en fournissant à vos joueurs des gadgets fabuleux à tous tes coins de systèmes stellaires, vous risquez de le regretter par la suite. Ces " bibelots " peuvent tuer tout le suspens de vos parties s'ils sont trop puissants. Les artefacts technologiques du space opera sont un peu tes objets magiques de l'heroic fantasy. Là où il y en a trop, il n'y a plus de plaisir. Réfléchissez donc pendant quelques micro-secondes avant de condescendre à en abandonner un entre les mains dé vos joueurs. Ils trouveront de toute façon des moyens de s'en servir que vous n'aurez pas imaginé!

Combats spatiali moderati

Aaaah, quel bonheur de foncer à tout berzingue au travers d'un champ d'astéroïdes en désintégrant à tour de bras des vaisseaux klingons ou impériaux ! C'est vrai, certains jeux (Star Wars, entre autres) encouragent les combats spatiaux. Mais ne perdez pas de vue que si vos joueurs jouent de malchance, quelques jets de dés malheureux peuvent les transformer en poussière stellaire.

Pour parer à cette éventualité, il existe plusieurs solutions. La première consiste à bannir de vos parties les combats spatiaux, mais gageons que vos " héros galactiques " se sentiront frustrés. Vous pouvez aussi " truquer" entièrement vos combats. (ex: " T'as manqué ton jet de dés ? Euh... c'est pas grave. Le vaisseau des Astrollmops percute la queue dune comète. Vous avez gagné!"), mais des joueurs rusés risquent de remarquer la supercherie et alors... gare-! Enfin, vous pouvez faire très attention à " équilibrer " les combats en faveur des aventuriers, tout en leur ménageant éventuellement une porté- de sortie au cas où ils auraient le dessous (ex: "Aie! Vos écrans viennent de lâcher. Encore un coup au but et vous êtes cuits ! Votre dernière chance consiste à essayer de vous dissimuler au fond d'un des cratères de la petite lune que vous apercevez à tribord. ").

Molto vocabulario marina

Je ne sais pas si vous avez déjà remarqué, mais le space opera utilise souvent des termes techniques tirés des livrets d'instruction de la Marine de nos grands pères. On parle de " vaisseaux " spatiaux, de " navigation " interstellaire et même, dans les vieux livres de Maurice Limait parus chez Fleuve Noir, de " cosmatelots " (Mais est-ce une référence ?). Evitez donc de parler de " gauche " ou de " droite ", dites " babord " ou " tribord ". Ne dites pas " prendre la direction de ", dites " mettre le cap sur ".

Goddam ! Mais, c'est bien sûr: le space opera n'est en fait qu'une cariante cosmique des aventures maritimes qui ont fait la joie de nos aïeux ! Une fois que vous (aurez réalisé vous trouverez de multiples occasions de parler de " ports d'attache ", de " corsaires de l'espace ", de " vaisseaux de ligne ", " de croiseurs ", " de capitaines courageux ", etc...

Ambianto staccato

Aucun jeu ne peut proposer plus de dépaysement qu'un jeu de SF. Pour en faire pleinement profiter vos joueurs, vous devez leur fournir des descriptions d'une grande richesse. Gardez toujours à l'esprit qu'une planète peut avoir une " odeur " et qu'un soleil bleu ne fournit pas forcément une lumière jaune comme celui du système Terra.

Donnez un maximum de " couleur locale " aux lieux visités. Pour cela, vous pouvez laisser libre cours à votre imagination la plus débridée. Néanmoins, si vous voulez préserver un minimum de cohérence à votre univers, vous avez intérêt à préparer à l'avance quelques descriptions. Ce travail de préparation préalable vous évitera de trop " délirez " en cours de partie, tout en vous permettant de réfléchir à tête reposée à ce qui est crédible et à ce qui ne l’est pas.

Improvisatio ma non troppo

L'agoraphobie vous guette! Dans les jeux de SF vous aurez rarement des murs de " donjons " (pouah!) auxquels vous raccrocher. Au lieu de cela, l'univers tout entier sera à la disposition de vos joueurs et ils pourront décider de faire pratiquement n'importe quoi. Les jeux de rôle futuristes sont, en effet, des jeux " ouverts ", c'est à dire qu'ils se jouent généralement en " extérieurs ". Alors, pour pouvoir répondre à toutes les idées farfelues qui passeront par la tête de vos aventuriers, il va falloir vous essayer à la technique la plus difficile de la maîtrise de jeu: l'improvisation. Restez calme, on peut s'en sortir sans attraper de cheveux blancs...

Comme nous l'avons déjà vu, le space opera est un genre littéraire largement inspiré de la littérature d'aventure " classique ". Ce qu'il faut également savoir, c'est que les univers futuristes ne sont, après tout, que des transpositions pseudo-scientifiques de notre propre monde. Je m'explique: le fait de prendre un véhicule anti-grav pour se rendre de l'astroport au motel galactique du coin n'est pas très différent du fait de prendre un taxi pour aller d'une gare à un hôtel. Par beaucoup de ses aspects, la SF n'est qu'un décor, une ambiance, un environnement merveilleux qui métamorphose une réalité ressemblant beaucoup à celle que nous connaissons. Si vous êtes amené à improviser, gardez à l'esprit que les personnages peuvent être confrontés à peu près à tout ce qui existe déjà dans notre quotidien. Seule l'apparence change! Ainsi, s'ils veulent aller manger dans un snack, décrivez-leur un " Macdo " automatisé où les serveurs sont des robots et où la nourriture est aussi insipide que dans les fast food d'aujourd'hui. S'ils traversent une jungle inexplorée, faites-leur rencontrer des insectes (qui peuvent être gros comme des camions) et des fauves (à six pattes, si vous en avez envie). S'ils se promènent dans les rues d'une ville perdue sur une planète lointaine, n'oubliez pas les agents de police, les chauffards, les mendiants, les mégères en train de faire leurs courses, les enfants de retour de l'école, etc... Pour improviser en SF, le principe est simple imaginez ce que les joueurs pourraient rencontrer dans notre monde, adaptez vos descriptions à l'univers de votre jeu et laissez faire les personnages.

Alrenturo allegro

On peut vivre n'importe que! type d'aventure dans un univers de science-fiction. La variété des possibilités offertes est illimitée. Si vous séchez un jour devant votre feuille blanche, à vous demander ce que vous pourriez bien proposer à vos joueurs, pensez au dernier film ou au dernier roman d'aventure que vous avez lu et transposez-en l'action dans votre univers. L'intrigue ne peut-elle pas, avec quelques modifications, donner lieu à un bon scénario ? Les personnages ne vous inspirent-ils pas des situations intéressantes à simuler ?

Un exemple ? Imaginons que vous vouliez adapter " Le Nom de la Rose " à votre jeu de SF favori. Le monastère qui sert de cadre à l'action peut être remplacé par une planète ultra-religieuse où s'affrontent différents courants de pensée théologiques. Les assassinats "démoniaques " peuvent avoir été montés par une secte fanatique qui n'hésite pas à employer les ressources de la technologie (apparitions holographiques, robots tueurs miniaturisés, etc ...) pour convaincre la communauté qu'ils sont l'œuvre du démon. Imaginons que cette même secte dispose de documents scientifiques extrêmement précieux qu'elle a dissimulés dans un satellite protégé par toute une série de pièges (au lieu du labyrinthe de l'histoire originale). Les personnages du roman, Baskerville et les autres, peuvent être quasiment transposés sans modifications sur cette planète où règne l'obscurantisme religieux. Ajoutons maintenant quelques " exagérations p typiques du space opera (messes célébrées devant des centaines de milliers de fidèles dans une cathédrale néo-gothique en béton vibré, vaisseaux spatiaux marqués du sceau de l'Etre Suprême, etc ...) et nous obtenons déjà un canevas d'aventure intéressant. Vous ne trouvez pas ?

Cette technique peut être employée avec pratiquement n'importe quelle histoire littéraire ou cinématographique, pourvu que l'action y tienne une part non négligeable.

Molto campagno

Vous ne tirerez le meilleur d'un jeu de SF qu'en entreprenant une campagne. En effet, les aventures isolées sont souvent frustrantes pour les joueurs. A peine ont-ils le temps de s'habituer aux conventions de votre univers (Comment s'appelle un téléphone ? Quels sont les moyens de transport ?) que l'aventure est déjà terminée...

Dans une campagne, par contre, vos joueurs auront l'impression que chaque partie ne fait qu'enrichir et approfondir leurs personnages. Quoi qu'il en soit, pour qu'une campagne soit vraiment intéressante, il faut fournir quelques efforts supplémentaires. Ainsi, les joueurs devront détailler le " background " de leurs personnages: passé, liens familiaux, aspirations personnelles. De cette façon, ils auront moins l'impression d'être des pions perdus dans un univers virtuellement infini et resteront avant tout des êtres " vivants ".

De votre côté, il faudra aussi fournir un peu de travail. Pour que votre univers reste crédible et cohérent, vous devrez toujours noter les événements importants qui ont émaillés les aventures. Vous devrez également prêter une attention toute particulière aux scénarios que les joueurs ont préférés, afin d'adapter vos créations à leurs désirs. Heureusement, dans les jeux " ouverts ", il se passe souvent un phénomène étrange et bien utile au maître de jeu au bout de quelques parties, les joueurs tendent à imaginer leurs propres aventures et le NU n'a plus qu'à canaliser leurs idées pour qu'elles ne dépassent pas les bornes des règles. Ainsi, vos joueurs tenteront peut-être d'attaquer une banque galactique, à moins qu'ils ne décident de monter une troupe de mercenaires ou une entreprise commerciale. Votre tâche sera alors d'autant facilitée, que vous n'aurez plus qu'à suivre leurs idées pour élaborer vos scénarios.

Finale

Les jeux de rôle SF sont d'une richesse inouïe. Ils offrent des possibilités que peu de maîtres de jeu et de joueurs soupçonnent. Ils doivent cependant être abordés avec prudence, sans perdre de vue que la science n'est pas de la magie et que les monstres extra-terrestres ne sont pas issus du Monster Manual. A une époque où les donjons ont tendance à se standardiser et où le génie de Tolkien est foulé au pied par des joueurs sans imagination, il est peut-être temps d'aller prendre un bol d'air dans le vide interstellaire. Avec les jeux de qualité qui sont aujourd'hui disponibles sur le marché, il serait vraiment dommage de ne pas en profiter.