Dom
: Bonjour Scott, peux-tu te présenter ?Scott : J'ai un peu plus de 50 ans, je suis marié depuis 8 ans et j'ai un petit garçon 4 ans. A la fac j'ai suivi des études d'histoire, que j'ai financé en jouant au poker, et j'enseigne depuis quelques années l'histoire et la géographie mondiale à Phœnix.
Je suis un fan de lecture historique navale ainsi que de SF. A ce propos mes auteurs préférés du moment se nomment Harry Turtledove et David Drake qui ont écrits des œuvres de fiction historiques.
Je n'ai guère joué aux jeux de rôle, ma prédilection se porte sur le wargame napoléonien dont je suis un vrai passionné (je possède plus de 5000 figurines historiques). Par contre, tout comme les légumes, j'ai horreur des cartes de jeux à collectionner.
Enfin, contrairement à l'espagnol, je ne parle pas du tout le français (mise à part quelques mots).
Dom : Comment en es-tu venu à devenir éditeur ?
Scott : A l'époque TSR était la seule maison d'édition dans le jeu de rôle avec son produit D&D. Pour ceux, qui comme moi, ne trouvait pas D&D intéressant, il n'y avait pas d'alternative. Aussi je me suis lancé dans l'aventure en me disant "pourquoi pas ?" et puis n'oublie pas que le Jeu de Rôle n'en était qu'à ses débuts et tenait plus de l'artisanat que d'une multinationale (Ndr : et créer une société aux USA est beaucoup plus facile qu'en France…).
Dom : Tu as toi-même créé en 75 un wargame intitulé "Royal Armies of the hyborean age". Comment s'est déroulée ta collaboration avec Lin Carter ?
Scott : Lin était mon colocataire à l'université aussi j'ai eu accès à toutes les sources possibles concernant le monde de Howard. Lin a également participé aux illustrations et m'a apporté de nombreux conseils sur les uniformes, les étendards et la composition des armées Hyboréennes.
Dom : Ton jeu de rôle préféré est-il toujours "Flashing Blades" ("Les 3 mousquetaires") ?
Scott : Oui toujours, mais je ne joue plus. Par contre je reste fasciné par l'époque.
Dom : Quel effet cela te fait-il de te balader dans les vieux quartiers de Paris ?
Scott : Je me suis en effet beaucoup balader et j'ai vraiment apprécier les vieux bâtiments. J'en ai profité également pour récupérer des cartes d'état major où se sont déroulées les batailles napoléoniennes.
Dom : Pour en revenir à "Space Opera", qui a été à l'origine de ce projet et comment s'est-il déroulé ?
Scott : Moi. Je voulais un jeu de SF et j'ai donné le boulot à Ed Simbalist. Pendant le process, je n'ai jamais rencontré Ed, Phil McGregor et Mark Ratner, qui vivaient respectivement dans l'ouest Canadien, en Australie et dans l'est des USA. Le projet a été entièrement mené pendant plus de deux ans par correspondance.
Dom : Après toutes ces années, es-tu étonné de la popularité toujours constante de ce jeu ?
Scott : Pas tellement car c'est un bon jeu. Ce qui m'étonne c'est le faible volume écoulé même si les ventes sont régulières aux USA contrairement en Europe. En France, Hexagonal a réalisé peu de ventes avec "Bushido" et "Flashing blades" ; la boutique "Phénomène J" a bien tenté de relancer "Space Opera" mais n'a pas rencontré le succès escompté.
FGU a réimprimé Space Opera en un seul volume il y a un peu plus d'un an. Il existe potentiellement suffisamment de joueurs aux USA pour autofinancer un projet de la gamme.
Dom : Sais-tu ce que sont devenus les auteurs : Ed Symbalist, Mark Ratner et Phil Mc Gregor ?
Scott : J'ai quelques contacts plutôt rares avec Phil Mc Gregor. Mark Ratner, qui est professeur de littérature, a eu un très grave accident voiture et souffre du cancer. Il vit au nord de New York et ne sort presque plus de chez lui. Quant à Ed Symbalist il termine la 4ème édition de Chivalry & Sorcery.
Dom : FGU n'est plus tellement présente sur la scène du jeu de rôle alors qu'elle était très réputée à une certaine époque. Pourquoi avoir pris ce recul vis-à-vis de l'industrie du jeu ?
Scott : C'est une longue histoire. Pour des raisons financières, j'ai décidé de déménager en 87 les locaux de FGU à Phœnix car la location de locaux commerciaux y est très peu chère. Il y a eu alors un problème d'adresse postale et FGU n'a plus reçu les règlements de ses distributeurs. Bref, au bout d'un an la compagnie n'avait plus de rentrée d'argent et je me suis mis à chercher du travail pour vivre. Pendant un certain temps j'ai fait des petits boulot comme vendeur de voitures et j'ai suivi des cours à la fac pour obtenir les UV afin de devenir enseignant.
A la même époque j'ai ouvert une boutique de vente de jeux à Gilbert où je vis. Les affaires marchant bien j'en ai ouvert ensuite une deuxième à Phœnix. Je croyais enfin voir le bout du tunnel mais il y a 4 ans un vendeur peu scrupuleux a commencer à faire de fausses factures ou à passer de fausses commandes au nom de FGU. Les plaintes, les assignations en justice et les fournisseurs que je devaient régler m'ont contraint de fermer ma boutique de Phœnix. Et malgré tous ces procès que j'ai gagné, le budget de la société a servi à payer les avocats.
Donc pour tout te résumer, ces dix dernières années ont été une galère merdique.
Dom : Quels sont tes projets professionnels actuellement et dans les années à venir ?
Scott : Mon principal métier est maintenant enseignant et non plus éditeur. A plus de50 ans, marié avec un enfant tu ne peux plus te permettre des délires aventureux comme lorsque tu as 20 ou 30 ans. Je n'ai donc plus les mêmes perspectives mais je reste en charge de ma maison d'édition. Et si mon but n'est plus de faire de la prospection, je suis toujours prêt à entretenir la gamme des jeux FGU existants et à sortir de nouveaux suppléments. Je ne tiens plus à me battre comme en 87 lorsque les distributeurs refusaient de vendre les produits FGU car ils n'étaient présentés dans des boîtes comme les produits TSR. Ou bien lorsque le directeur financier de Marvel n'a pas voulu la veille de la signature du contrat nous faire confiance contrairement à l'avis du service création et marketing et nous a préféré TSR car FGU était une petite structure…
Dom : Pourra-t-on espérer voir un jour la parution des extensions non encore publiées comme "Clash of Empire", "The GPR" ou "SCS4" ?
Scott : Je reste en contact avec les auteurs et ces derniers sont prêt à retravailler sur la gamme Space opera. Il faudra sans doute attendre encore 2 ans pour que les problèmes juridiques que connaît FGU soit terminés. A ce moment il est très probable que ces suppléments soient publiés.
Dom : Si quelqu'un désire te proposer un nouveau projet ou un scénario pour Space Opera, que lui dirais-tu ?
Scott : Je serais ravi et très heureux de développer et produire tout projet valable. Pas dans l'année qui vient car, comme je te l'ai déjà dit, je dois régler certains problèmes et je risque de le classer dans un coin et de l'oublier. Les auteurs ne doivent pas imaginer que, si je ne répond pas tout de suite ou dans les mois qui viennent, je n'ai porté d'attention ou d'intérêt à leur travail mais j'ai des obligations que je dois faire passer en priorité. En général je fais confiance aux gens et j'ai plusieurs fois donné mon accord verbal dans l'attente de la finalisation d'un projet. Cependant, je suis très féroce quand des sociétés s'approprient des jeux FGU sans autorisation comme cela a déjà été le cas par le passé. Ce n'est pas parce que FGU est retiré de la scène commerciale qu'il faut l'enterrer!
Dom : Que penses-tu du projet français et du travail réalisé par l'équipe de Phénomène J ?
Scott : Je n'ai vu que quelques illustrations et des images en 3D qui m'ont beaucoup impressionnées mais je n'ai jamais vu de maquette ou de prototype. Lorsque j'ai été contacté, j'ai donné mon accord verbal ainsi que pour apporter des modifications concernant les Niveaux Technologiques, l'informatique et la description des camps politiques (Ndr :notamment les anachronismes dus à la période de la guerre froide pendant laquelle Space Opera a été écrit).
Cela fait un long moment que je suis dans le bizness et je ne me fais pas d'illusion. Les personnes qui travaillent sur un tel projet le font sur un coup de cœur et par passion. Il existe donc beaucoup de risques pour qu'un processus créatif soit interrompu. D'où une des raisons pour laquelle je ne demande pas de contrat écrit.
A l'origine la boutique "Phénomène J" devait financer le projet français mais ils ont rencontré des difficultés…
Dom : Il me semble que Space opera a été traduit en Japonais. Dans quels autres pays ce jeu a-t-il connu autant de succès ?
Scott : le jeu a bien marché en Australie ainsi que dans les pays Francophones.
Dom : As-tu vu le site web ? Qu'aimerais-tu y trouver ?
Scott : Non. En fait je n'aime pas la technologie que ce soit le fax, l'internet ou les ordinateurs. Je refuse de m'approcher à moins de 10 mètres d'un ordinateur de peur de ne plus pouvoir m'en détacher. En fait je suis un rat de bibliothèque.
Par contre, je suis très content de voir des projets concernant les jeux FGU sur le net.
Dom : Pour finir, quel message voudrais-tu ou aurais-tu à donner à tous les fans de Space Opera ?
Scott : Avant tout un message de reconnaissance. Merci d'y jouer.
Dom : Merci Scott d'avoir pris de ton temps pour répondre à nos questions.
Paris, France, juin 2000.
Propos recueillis par Gil Morice.